✱︎ Catch a dream and run with it.

Pour moi c’est un peu plus qu’une de ces petites phrases motivantes de poster trendy affiché dans une salle de muscu ou un cowork branché.

Une brève histoire de temps
5 min ⋅ 26/09/2025

_ Edito.

Mon goût pour la philo de salle de sport, celle qui ne nécessite pas de consommer trop d’oxygène pour y réfléchir, est régulièrement moqué #Jassume. Et c’est vrai, en afterwork et sur LinkedIn ça a plus de gueule de citer Nietzsche. Mais voilà, plus que seulement « chopper un rêve et lui courir après », le temps qui passe m’a fait remarquer qu’aujourd’hui j’aimais dans cette phrase (qu’on peut encore trouver collée au mur de ma chambre d’ado #Vintage) une dimension qui m’avait échappée de prime abord.

Cette différence entre motivation et discipline. Et ce besoin que nous avons tous, peu importe la qualité et la force de notre motivation, de compter sur la discipline. Parce qu’il n’est pas humainement possible d’être motivé tout le temps, qu’il y aura forcément “des jours sans” et qu’il faudra bien faire avec ces jours-là aussi. En se reposant sur la discipline, par exemple. On ne va pas se mentir : choisir, comme je le fais en cette période de rentrée, d’aller à des réunions (trop), de répondre à des emails (trop), de remplir des dossiers administratifs (encore trop)… plutôt que de vivre ma meilleure vie de photographe de reportage. Je n’ai aucune motivation pour cela !

Mais l’un ne va pas sans l’autre. Alors pour surmonter cet effort, il y a la discipline. C’est ça que j’impose à mes stagiaires, et c’est de loin ce que je leur apprends de plus important : chaque vendredi matin à l’atelier, elles vont courir avec moi. Qu’il pleuve, vente ou neige. C’est la contrepartie du deal que nous passons quand nous choisissons de faire ce bout de chemin ensemble. D’aucuns pensent que c’est juste une preuve de mon sadisme, en vrai : c’est un moyen de leur prouver la nécessité et les bienfaits de la discipline… même quand on a “aucun autre chef que soi-même” (et peut-être précisément pour cela).

_ Un merci.

Au fait : je n’aurai pas nécessairement parié dessus il y a un an, mais voilà, nous sommes au numéro 12 de cette lettre, et vous êtes 746 à me suivre alors MERCI d’être là !

 

Infirmière-étudiante venue renforcer les équipes médicales de l’hôpital Bégin pour armer le service de réanimation de fortune “Réa3” lors de la première vague Covid
Ref:2020-01-0581 | avril 2020, Saint-Mandé

Ça devait fatalement finir par arriver, et c’est un peu pour cela que j’étais partie en reportage lors de cette première vague de Covid, quand nous étions tous confinés car l’hôpital était submergé par un flux exponentiel de victimes… Pour garder une mémoire de ce moment, et surtout pour garder une trace de ces femmes et hommes qui ont répondu présent. Ces soignants qui ont vécu des journées physiquement et psychiquement difficiles sous le joug d’un spectre aujourd’hui est synonyme de “grosse crève” mais qui alors avait obligé la France à réquisitionner ces gigantesques hangars réfrigérés de Rungis pour conserver les corps de ces décédés qui débordaient des frigos des morgues hospitalières et que l’on ne réussissait pas à mettre en terre assez vite.

Je garde un souvenir vague de la période : j’avais adopté le rythme soignant des gardes de 12h, je rentrais crevée à mon atelier où je vivais et dormais seule pour ne prendre le risque de contaminer aucun de mes proches. Mais dans cette adversité, tandis qu’à chaque garde nous découvrions le funeste bilan de la garde précédente, je retiens deux choses précieuses qui m’inspirent, encore aujourd’hui : les visages de ces “bébés” (bébés-infirmiers, bébé-docs…) quand ils arrivaient avec leurs paquetages pour renforcer l’hôpital. Ils étaient souriants, concernés, fiers: d’être là, d’avoir cette occasion de faire du sens, de répondre au besoin, de montrer qu’on pouvait compter sur eux. Ils ont ramassé comme les autres, parce que faire une face nord pour première ascension : ça pique. Comme ceux qu’ils venaient renforcer, ils ont souffert de l’intensité de ces journées, alors sous les masques au fil des jours, j’ai vu les visages et les regards se creuser et se décomposer, éreintés. Et dans cela, je les ai vus “tenir”, tenir parce qu’ils étaient ensemble et qu’ils partageaient ça, tenir parce qu’il fallait bien, … tenir sans même s’en rendre compte, juste par un mélange d’automatisme et d’instinct de survie.

Et quand je dois surmonter un revers ou une baisse de moral, que ça me pique un peu ou beaucoup : je repense à eux. Et à leur exemple.

_ Quelques mots.

Un grand photographe nous a quitté cet été. Franco-brésilien, membre de l’académie des Beaux-arts, un économiste devenu photographe pour raconter les hommes plutôt que les chiffres. Et puis Salgado, c’était un amoureux de la forêt et du végétal, alors forcément, j’aimais l’homme autant que son travail. Dans le numéro hommage que la revue Polka lui a consacré, il y avait ces mots à lui.  

J'ai beaucoup rêvé.
Je voulais aller au-delà de mes montagnes.
Je voulais connaître.
-  Sebastião Salgado

Sinon, j’ai sorti mon coup de gueule de la rentrée, j’en avais marre de ces idiots inutiles des réseaux sociaux qui tracent un boulevard aux fossoyeurs de notre société (puissances étrangères, communautaristes et radicalisateurs en tous genre) vous pouvez le lire sur LinkedIn. Mais vous pouvez surtout lire ce petit doc très bien fait Face aux manipulations de l’information : il est assez vulgarisateur pour ne pas être trop relou, et j’en retiens cette intention “face à nos compétiteurs qui manipulent les informations et troublent les perceptions, nous voulons réarmer les esprits” #EtSiOnFaisaitPlusQueSeulementYPenser?

_ Un reportage.

Choucas 02 et les montagnes corses.
Ref:3122-32 | octobre 2022, Ajaccio, Monte Renosso

La raison d’être de cette lettre c’est quand même le beau: des belles histoires, des belles images, et pour ça je vous propose de m’accompagner en Corse pour retrouver Choucas 02. Mais qui est “Choucas” ?

Ce sont l’aisance en vol et les capacités acrobatiques de ce corbeau de montagne à la pupille bleu vif qui ont donné ce callsign aux hélicoptères EC145 des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale basés en montagne : Choucas. Quand j’arrive sur place à l’automne 2022, j’apprends que la SAG Ajaccio est “unité montagne”. N’étant pas une chauvine alpine pour rien, je retiens -mal- mon sourire. Lequel est repéré par mon mécano du jour qui me rappelle utilement que l’île de beauté culmine à 2700 mètre d’altitude, avec une série de sommets à +2000m, et que la proximité permanente de la mer y crée une aérologie très spécifique, pas franchement facile à voler, donc que la qualif’ montagne nécessaire pour y être affecté n’est franchement pas un luxe… Je ferme mon plomb.

Henri Giraud, figure française légendaire du vol de montagne, disait avec cette pointe de provocation bravache qui caractérise si bien certains pilotes “Il y a la même différence entre un pilote de plaine et un pilote de montagne qu'entre un mouton et un chamois.” 

Et avant de juger pour insolence le propos, il faut être dans la machine quand elle s’engage pour porter assistance à une cordée d’alpinistes bloqués, coincés en pleine paroi dans cette montagne devenue soudainement hostile. Voir le pilote évaluer les conditions aérologiques, deviner les turbulences générées par le relief, calculer sa réserve de puissance… Pour déterminer au final comment réaliser l’opération de secours en limitant au maximum les risques. Assurer la sécurité de la machine et de son équipage, assurer celle des personnes assistées aussi !

 

_ Un aperçu.

Derrière les images ces derniers temps, il y avait : un joli jardin parisien, Tigrou et un patch Toujours loyal, des planches contacts de Michaël Kenna ainsi que sa très belle expo Haïkus d’argent au musée Guimet, un mec qui raconte bien et qui écrit pas mal aussi, qui s’est lâché sur sa dédicace, la présentation de la série documentaire Légionnaires de Philippe Bodet qui est à découvrir sur Canal + Doc ce soir à 21h

✱ That’s all Folks !

J’espère que cette lettre vous aura plu / détendu / intéressé et peut-être même fait découvrir des trucs ! Si vous avez un avis sur son contenu, vous pouvez me faire part de vos critiques, remarques et autres conseils d'amélioration à cette adresse : sandra.chenugodefroy@gmail.com

D’ici sa prochaine édition, vous pouvez me suivre sur LinkedIn ou sur Instagram

Une brève histoire de temps

Une brève histoire de temps

Par Sandra Chenu Godefroy

_ Sandra Chenu Godefroy

Je suis photographe, passionnée, aventurière. 
Je suis spécialisée dans les domaines de la sécurité, l'armée, les secours, l'aéronautique; et je vous invite à me suivre au cœur de l’action, en immersion dans le sillage d'hommes et femmes engagés !

Mon métier de photographe est plutôt simple à définir : je raconte par l'image. Je consacre ma créativité, mon savoir-faire et mon expérience à (re)mettre l'humain au cœur du visuel et à l'immortaliser dans des photos qui font du sens, parfois dans des conditions extrêmes.

J’aime transmettre ces narrations au public, et c’est la raison pour laquelle je me risque à cette aventure de l’écriture et la tenue d’une newsletter ici. J’emploie évidemment aussi les autres canaux plus classiques que sont l’édition de beaux livres et les expositions photo (et, j’essaierai de vous en tenir informés dans cette lettre : se rencontrer en vrai et en 1.0 a du bon à l’heure du tout virtuel !)

Tout photographe qui essaye de représenter des êtres humains d’une manière authentique doit consacrer bien plus de cœur et d’âme dans sa préparation, qu’aucune photographie ne le laissera jamais transparaître.
– Margaret Bourke White

_ Solitaire mais pas isolée, je travaille toujours accompagnée de mon plus fidèle assistant : Tigrou

Lui même choisit assez souvent de faire appel à des assistantes, pour lui éviter des efforts trop intenses et lui permettre de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux : des selfies et des petites remarques amusantes ou amusées sur son univers de travail !

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