Un regard singulier ✱︎

Quand on me demande si j'ai peur de la "menace" des "photos générées par IA"... je réponds que je ne la vois déjà pas dans "les photos qui sont nées du regard d'autres photographes que moi" alors ça n'est pas pour voir une menace quand il n'y a pas de regard du tout ! C'est provoc' dit comme ça ? #PeutEtre

Une brève histoire de temps
5 min ⋅ 28/03/2025

_ Edito.

Quand mes interlocuteurs insistent sur ces histoires d’images générées par IA et leur supposée concurrence avec mon travail j’arrive assez vite à “OK : où est le regard ? #PasDeRegard #PasDeMenace”. Oui, c’est provoc’. J’assume. C’est réfléchi aussi.

Ça fait quelques années que je fais ce métier, quelques années que j’accompagne des jeunes pousses sur la très fantasmée voie du “photographe professionnel”. Quelques années que ces échanges passent tous forcément par le point “OK mais qu’est ce qui fait de toi un photographe unique ?”… ce qui m’a donné quelques belles occasions d’y penser pour moi, aussi.

Jusqu’à ce que je croise le chemin de cet interlocuteur réputé, original, d’une autre culture, et qu’il, me propose de lui présenter mon travail. Il n’est pas du tout intéressé par les sujets que je traite, mais c’est un œil reconnu. Pourquoi-pas ? Prendre le risque de me confronter à l’inconnu me plaît bien. Il regarde quelques tirages papier que j’ai avec moi, me demande d’en voir plus, on bascule sur écran…

Mon lecteur du jour est mutique, plutôt inexpressif. Après d’éternelles minutes d’observation, il m’annonce “vous avez un regard singulier” dans un français presque parfait, je souris et lui réponds poliment qu’il s’agit de sujets qu’il n’a pas l’habitude de voir... Il me reprend “votre sujet ne m’intéresse pas : la singularité c’est votre regard”. Il n’est culturellement pas très bien vu d’insister, alors je le remercie et je repars avec cette poignée de mots pour unique moisson.

Et si il avait raison, si il ne s’agissait pas “d’être un photographe unique” mais de “cultiver un regard singulier” ?

_ Une photo.

Gendarme du GIGN après une démonstration au salon Milipol.  Novembre 2023 / Villepinte (75) / FRANCE [Ref:1023-25-0293]Gendarme du GIGN après une démonstration au salon Milipol. Novembre 2023 / Villepinte (75) / FRANCE [Ref:1023-25-0293]

Un regard singulier ? Ma foi, j’ai l’habitude d’employer l’expression “depuis ma fenêtre”, et depuis celle-ci, nous avons tous un regard différent, simplement parce que nous avons tous un “point de vue” sur le monde différent. En poussant la réflexion, la singularité de mon regard tient peut-être à deux choses : ce qui se passe backstage, hors de l’image, et ce que je choisis de retenir à l’éditing final. Cette photo d’un opérateur du GIGN en est un assez bon exemple.

Nous sommes à Milipol, des démonstrations dynamiques d’unités de la police et la gendarmerie française sont prévues pour créer de l’animation sur ce salon professionnel. Le GIGN se plie à l’exercice et décide d’innover dans le format : sa démonstration se joue en intérieur, et ce sont les spectateurs eux-mêmes qui seront pris en otages puis libérés. L’expérience est très chouette pour ceux qui y assistent, le public est ravi. Tout le public? Non, la palanquée de photographes, souvent amateurs, qui pensait profiter d’un show au ralenti et purement artificiel pour faire de la photo posée repart bredouille: la manip’ s’est déroulée à vitesse réelle, dans une pénombre bien dense, et pour des raisons de sécurité personne n’a pu se déplacer. Pas facile de bosser dans ces conditions !

A mon niveau, photographier dans le noir, et voir ma liberté de déplacement entravée, je pratique un peu… Fidèle à ma devise “anticiper ce qui peut être anticipé et s’adapter au reste” je me suis renseignée au tout début de la manip’, j’ai choisi ma place dans l’amphithéâtre en fonction de ce que pourrait-être le schéma d’intervention… et j’ai passé mes appareils en full manuel exposition ET mise au point: évidemment dans le noir les AF patinent, évidemment avec les strobes sur les boucliers et les lumières sur les armes, la mesure de lumière auto sera aux fraises. Je ressors donc avec des photos sympa. Mais pas complètement satisfaite : il y a des trucs beaux, des trucs “mytho” pour lesquels n’importe lequel des mecs des magazines se damneraient, mais rien qui me “touche” … pas de “truc en plus”.

Je rentre vite à l’espace média, en autopilote, et tandis que j’y arrive, mon regard est attiré par du mouvement à l’extérieur, derrière une vitre et des grillages. Les opérateurs de la démonstration rejoignent leur parking. Certains se sont déjà en partie déséquipés, et là encore, ils ne perdent pas leur temps, mais j’ai tout de même l’occasion d’attraper mon téléobjectif, et de claquer quelques photos à la volée. Elles sont floues et brumeuses : vu ce qu’ont traversé les photons qui ont atteint mon capteur, c’était couru d’avance.

Mais quand je téléchargerai mes photos de ce jour-là, passé le moment de pure vanité à me dire que “ok je mérite mon titre de photographe professionnel: j’ai réussi à faire des photos de la manip’ dans le noir” la seule image qui retiendra vraiment mon regard et mon intention sera celle-ci. Parce qu’on est dans “l’après” de cette intervention impressionnante, mais qu’il n’y a pas moins de sens ou d’engagement. Parce qu’il n’y a pas de gros fusil et de gros muscles à montrer, mais en est-il besoin pour comprendre qu’il ne revient pas de cueillir des fraises ? Parce que la photo n’est pas lumineuse ni parfaitement nette / belle… mais qu’elle transmet une impression. Et c’est ça qui compte à mes yeux !

_ Quelques mots.

En écho à cette histoire de singularité, ces mots de René Barjavel :

Il existe peut-être un autre moyen de savoir. 
C'est de renoncer à connaître, et de chercher à comprendre.
René Barjavel / La faim du tigre

La dernière lettre est partie bien en retard, et j’ai voulu que celle-ci parte exactement dans le calendrier fixé initialement: le dernier vendredi du mois. Je n’ai donc pas eu énormément d’occasion d’écrire sur le web entretemps. J’ai en revanche noirci un nombre de pages ahurissant pour des dossiers projet ou des candidatures à des festivals #OnDitQuonYCroit ! Et puis, je suis revenue sur LinkedIn sur ce que signifiait pour moi “anticiper ce qui peut-être anticipé et s’adapter au reste” et peut-être que cela vous intéressera !📷️

_ Un reportage.

2022/06 Stage OXY des Plongeurs de Combat du Génie
Juin 2022 / Angers (49) / FRANCE

J’aime bien les plongeurs professionnels ! Militaires, institutionnels, ou non, j’ai une réelle admiration pour ceux dont le métier consiste à s’immerger dans une eau souvent froide, souvent trouble et souvent dégueu, pour réaliser leur autre travail. Quand on parle de travailleurs hyperbare dans le civil c’est vraiment cette idée-là : ces travailleurs ont un “vrai” métier autre que la plongée, et ils le pratiquent dans un milieu exceptionnel, sous l’eau, ce qui créée forcément des contraintes exceptionnelles. Alors forcément, quand on me propose d’aller assister à la formation des plongeurs de combat du génie (PCG) de l’Armée de Terre, je dis oui tout de suite… même s’il faut mouiller le maillot !

Si vous avez besoin de vous sécher après ce passage en milieu humide, vous pouvez retrouver les sapeurs-sauveteurs militaires de la sécurité civile lors d’une campagne de brûlage dirigés : il s’agit de mettre le feu à des broussailles de façon contrôlée en fin d’hiver, pour éviter la propagation incontrôlable des incendies l’été. Des sapeurs qui “mettent le feu”, voilà qui est original: tout est affaire d’équilibre, de planification et d’anticipation. ➡️ 2023/02 Brûlages dirigés UIISC1 🔥

_ Un aperçu.

Derrière les images ces derniers temps, il y avait : des cerisiers qui neigent leurs fleurs, un Tigrou très fier de s’être fait offrir une tasse à SA gloire pour MON anniv’, un tirage numéroté 1/12 qui part rejoindre les murs d’une collectionneuse, le reflet de vieux copains d’Urbex lors d’une sortie urbaine, le même Tigrou qui a reçu de la visite à sa tanière, une photog’ de retour de footing… et mon personnage de comics préféré (à vous de deviner pourquoi) #ZutJaiOubliéLesBottes #LaProchaineFois ! 😏

_ Une question

Je me suis replongée dans les retours du sondage fin 2024, pour mieux comprendre vos attentes. Vous aviez été quelques-uns à émettre le souhait, non pas seulement d’être informés avant tout le monde et de connaître le dessous des images, mais aussi d’avoir la possibilité d’échanger plus facilement, de pouvoir soumettre des idées et réagir aux miennes. Certains le font déjà en m’écrivant des mails, mais je sais bien, lorsque je suis de l’autre côté que souvent je n’ose ou je n’y pense pas, un peu par timidité, un peu par manque d’initiative…
Alors je vous propose, si vous le souhaitez, de reprendre l’initiative en ayant la possibilité de répondre en un clic à une question !

Souhaitez-vous que j’affiche les EXIFS -les réglages techniques- des photos que je mets en avant dans cette lettre ?

✱ That’s all Folks !

J’espère que cette lettre vous aura plu / détendu / intéressé et peut-être même fait découvrir des trucs ! Si vous avez un avis sur son contenu, vous pouvez me faire part de vos critiques, remarques et autres conseils d'amélioration à cette adresse : sandra.chenugodefroy@gmail.com

D’ici sa prochaine édition, vous pouvez me suivre sur LinkedIn ou sur Instagram

Une brève histoire de temps

Une brève histoire de temps

Par Sandra Chenu Godefroy

_ Sandra Chenu Godefroy

Je suis photographe, passionnée, aventurière. 
Je suis spécialisée dans les domaines de la sécurité, l'armée, les secours, l'aéronautique; et je vous invite à me suivre au cœur de l’action, en immersion dans le sillage d'hommes et femmes engagés !

Mon métier de photographe est plutôt simple à définir : je raconte par l'image. Je consacre ma créativité, mon savoir-faire et mon expérience à (re)mettre l'humain au cœur du visuel et à l'immortaliser dans des photos qui font du sens, parfois dans des conditions extrêmes.

J’aime transmettre ces narrations au public, et c’est la raison pour laquelle je me risque à cette aventure de l’écriture et la tenue d’une newsletter ici. J’emploie évidemment aussi les autres canaux plus classiques que sont l’édition de beaux livres et les expositions photo (et, j’essaierai de vous en tenir informés dans cette lettre : se rencontrer en vrai et en 1.0 a du bon à l’heure du tout virtuel !)

Tout photographe qui essaye de représenter des êtres humains d’une manière authentique doit consacrer bien plus de cœur et d’âme dans sa préparation, qu’aucune photographie ne le laissera jamais transparaître.
– Margaret Bourke White

_ Solitaire mais pas isolée, je travaille toujours accompagnée de mon plus fidèle assistant : Tigrou

Lui même choisit assez souvent de faire appel à des assistantes, pour lui éviter des efforts trop intenses et lui permettre de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux : des selfies et des petites remarques amusantes ou amusées sur son univers de travail !

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