✱︎ Sur le fil...

Des échanges entre photographes sur la question de la juste place du photographe vis-à-vis de ceux qu'il photographie... Des insiders qui assument de l'être, d'autres qui revendiquent leur extériorité. Et moi ? Je crois que je ne suis "ni l'un, ni l'autre" à la recherche d'un équilibre entre les deux !

Une brève histoire de temps
5 min ⋅ 16/03/2025

_ Edito.

C’est l’histoire de rencontres successives, avec des personnes qui à priori ne se sont pas concertées, auprès de qui je me suis retrouvée à chaque fois à évoquer “la place du photographe” par rapport à ceux qu’il photographie.

J’ai d’abord pu saluer la position, pas toujours réfléchie en tant que telle, de ceux qui sont “dedans” complètement, les insiders. La photographie n’est pas toujours leur premier métier, ni ce pourquoi leur patron les paye : mais ils photographient et racontent, à leur hauteur, depuis leur fenêtre, et partagent “leur” regard sur “leur” quotidien. A coté de ceux-là, d’autres revendiquent “ne pas appartenir”, être en dehors, ou bien parce qu’ils estiment qu’il n’y a qu’ainsi qu’on peut être objectif, ou bien parce qu’ils veulent traduire en image “le regard du néophyte” qui découvre.

Et moi dans tout ça ? Je ne crois pas à la supposée objectivité de l’extérieur: on est un peu plus loin, certes, mais on regarde toujours “de quelque part” donc on est toujours subjectif. Je ne suis plus très néophyte non plus... et je n’ai jamais été “insider” ! Il m’a fallu l’aide d’une consœur, alors que nous savourions notre thé japonais dans de belles poteries, pour comprendre que ma place à moi, je la vois “pile en équilibre sur le rebord de la tasse”. Je ne suis pas dedans, il y a une foule de choses qui bouillonnent dans cette tasse à laquelle j’échappe puisque je suis sur son rebord; mais je ne suis pas dehors non plus, incapable de voir en ligne directe le contenu de cette tasse.

Cette position d’équilibre est naturellement instable, elle m’oblige à lui consacrer beaucoup d’énergie, pour ne pas tomber ni d’un coté ni de l’autre… mais elle m’offre aussi d’être un pont qui relie ceux du dedans et ceux du dehors. Et ça, pour reprendre un vocable de jeune “c’est assez satisfaisant !”. Vous écoperez donc d’une lettre sous le signe de cette recherche d’équilibre !

_ Une photo.

Ascension de la tour Eiffel par les sapeurs pompiers du GREP BSPP.
Juin 2008 / Tour Eiffel, Paris (75) / FRANCE

Oui, en 2008, il n’est donc pas utile de m’écrire pour me dire que “j’ai fait erreur il s’agit du GRIMP”, en 2008, la BSPP avait rassemblé ses sapeurs-pompiers forts en varappe dans un Groupe de Recherche et d’Exploration Profonde : GREP (qui a essaimé depuis en deux spécialités, les GRIMP et les ELD -présentés dans la lettre “Ce feu qui nous brûle”-)

Ce jour là, les pompiers du GREP avaient invité des gendarmes du GIGN et de PGHM à venir s’entraîner avec eux sur… la tour Eiffel, rien que ça ! Gendarmes qui me proposent de les accompagner, en tant que montagnarde fraîchement arrivée à Paris -et qui ne s’y faisait toujours pas vraiment- #LesVraisCopains. Je ne dispose pas encore à l’époque des systèmes modernes de sangles de portage pour mon équipement photo, et comme je commence à connaître un peu ceux que je vais photographier: je sais qu’ils vont se challenger et que m’intégrer dans une cordée, va 1/ la pénaliser 2/ me limiter à un seul angle de vue sur tout le parcours.

Je demande donc à pouvoir les suivre “à pied” depuis les escaliers qui parcourent la dame de fer de haut en bas (et ne sont pas tous ouverts au public). La demande est acceptée, le monsieur de la SETE qui nous accueille me fait remarquer que ça ne sera pas une promenade de santé. L’arrogance de la jeunesse aidant, je fais confiance à mes bons cuissots pour me porter jusqu’au sommet*. Et je gravis les volées d’escalier au rythme des cordées, je fais quelques photos sympa.

Jusqu’à ce moment, après le premier étage de la tour, où je vois deux cordées s’élancer de part et d’autre d’un même croisillon central… je suis beaucoup plus bas mais je devine qu’ils “peuvent” y arriver en même temps et qu’il est “peut-être” possible de rassembler en une photo, un pompier et un gendarme, un bout reconnaissable de tour Eiffel, et la vue qui commençait à être vraiment sympa. Je cours me mettre en place et tout s’organise selon le plan pendant une trentaine de secondes alors… j’ai ma photo !

*Évidemment: 48 heures plus tard mes cuisses étaient tellement douloureuses que je m’aidais de mon bureau pour m’asseoir ou me relever et je faisais rouler ma chaise pour me déplacer #VanitéDesVanités.

_ Quelques mots.

En écho à cette lettre écrite depuis mon rebord de tasse; ni tout à fait dehors, ni complètement dedans, ces mots de Serge Tisseron :

Le photographe est en équilibre dans l’air du monde comme les figures du mouvement dont il tente de fixer la course.
- Serge Tisseron / Le mystère de la chambre claire

Plus qu’une question d’équilibre, il y a pour moi aussi une notion de juste distance à son sujet… il y a bien longtemps, je m’étais fendue d’un article un peu long à ce sujet sur mon blog Reporter-photographe.org lequel est toujours disponible ici : une simple question de distance… Sur LinkedIn ce mois-ci, j’ai évoqué quelque chose qui me semblait tellement évident qu’en fait, ça ne l’était peut-être pas tant que ça: “comment [je] fais pour être toujours bien accueillie par mes sujets de reportage” et j’ai râlé la veille du 8 mars #LaBase😇

_ Un reportage.

2018/04 Exercice Cerces de la 27ème Brigade d’Infanterie de Montagne
Avril 2018 / Valloire (73) / FRANCE

Dix ans plus tard, j’ai l’occasion de renouer avec ce mélange de “recherche et mise en danger de son équilibre” et “effort physique absolument indispensable et ne garantissant absolument aucun résultat”. Lors de l’exercice annuel des troupes de montagne à Valloire en Maurienne : l’exercice Cerces.

C’est un RDV que j’aime particulièrement puisqu’il est l’occasion de rassembler dans un cadre grandiose des hommes et femmes de multiples spécialités, les célèbres chasseurs alpins, évidemment, mais aussi des artilleurs, des cavaliers, des commandos, des tireurs de précision, des transmetteurs. Au fil des éditions, j’ai accompagné les uns puis les autres, et notamment ceux dont la mission impliquait de se tenir sur un point haut.

Parce qu’avant tout: il fallait s’y rendre, à ce point, donc s’infliger un D+ encore un peu plus sévère que “ceux du fond de vallée”, qu’il fallait être vigilant pour s’y rendre (risque avalanche, zones de tir des uns et des autres… et puis il s’agit d’un exercice peut-être, mais il n’est pas question de “faire semblant” qu’il n’y a personne à affronter en face, donc il ne faut pas se dévoiler). Qu’une fois arrivé, ça n’était pas fini, il fallait tirer, désigner des cibles ou observer. Et qu’une fois la mission réalisée il fallait encore rentrer… Que tout cela ne finissait jamais vraiment, qu’il fallait donc à la fois “se donner à fond” tout en ayant toujours en soi “de quoi affronter la suite”.

Un principe de travail qui m’a été plutôt utile pour mener à bien mes quelques années de carrière en photo, et notamment quelques reportages un peu engagés !

Si votre préférence va plutôt à l’équilibre de ceux qui se suspendent au croc d’un treuil d’hélicoptère j’avais découvert cette spécialité surprenante d’aviateurs plongeurs qui arment certains escadrons d’hélicoptères de l’Armée de l’Air où ils assurent notamment des missions de secours… sur terre et en mer ! (on est en Corse, l’un et l’autre ne sont jamais très éloignés). ➡️ 2022/10 Plongeurs héliportés à l’EH 1/44 de Solenzara 💪

_ Un aperçu.

Derrière les images ces derniers temps, il y avait : un Tigrou gourmand, le retour des plumes, des fleurs de cerisier “en avance”, LA jolie tasse de thé en belle compagnie, un tirage N&B piezo absolument grandiose, un moment #ProchedeLEM passionnant, et une photo Behind the scene offerte par Largo (qui a sorti un très chouette bouquin cette année : Commando Marine - Le Brick & la Dague) #LaMétéoLocaleCestEnBonus

✱ That’s all Folks !

J’espère que cette lettre vous aura plu / détendu / intéressé et peut-être même fait découvrir des trucs ! Si vous avez un avis sur son contenu, vous pouvez me faire part de vos critiques, remarques et autres conseils d'amélioration à cette adresse : sandra.chenugodefroy@gmail.com

D’ici sa prochaine édition, vous pouvez me suivre sur LinkedIn ou sur Instagram

Une brève histoire de temps

Une brève histoire de temps

Par Sandra Chenu Godefroy

_ Sandra Chenu Godefroy

Je suis photographe, passionnée, aventurière. 
Je suis spécialisée dans les domaines de la sécurité, l'armée, les secours, l'aéronautique; et je vous invite à me suivre au cœur de l’action, en immersion dans le sillage d'hommes et femmes engagés !

Mon métier de photographe est plutôt simple à définir : je raconte par l'image. Je consacre ma créativité, mon savoir-faire et mon expérience à (re)mettre l'humain au cœur du visuel et à l'immortaliser dans des photos qui font du sens, parfois dans des conditions extrêmes.

J’aime transmettre ces narrations au public, et c’est la raison pour laquelle je me risque à cette aventure de l’écriture et la tenue d’une newsletter ici. J’emploie évidemment aussi les autres canaux plus classiques que sont l’édition de beaux livres et les expositions photo (et, j’essaierai de vous en tenir informés dans cette lettre : se rencontrer en vrai et en 1.0 a du bon à l’heure du tout virtuel !)

Tout photographe qui essaye de représenter des êtres humains d’une manière authentique doit consacrer bien plus de cœur et d’âme dans sa préparation, qu’aucune photographie ne le laissera jamais transparaître.
– Margaret Bourke White

_ Solitaire mais pas isolée, je travaille toujours accompagnée de mon plus fidèle assistant : Tigrou

Lui même choisit assez souvent de faire appel à des assistantes, pour lui éviter des efforts trop intenses et lui permettre de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux : des selfies et des petites remarques amusantes ou amusées sur son univers de travail !

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