✱︎ Ça va bien se passer

Je continue. Dans ce monde magnifique à base de création générée par IA, de tensions mondiales et économiques qui s'amplifient: je continue. Non que je sois naïve au point de "ne pas voir". Mais des occasions de m'éprouver, j'en ai vu quelques-unes - dont cette photo de couv' - et je suis encore là. Alors #CaVaBienSePasser

Une brève histoire de temps
5 min ⋅ 25/04/2025

_ Edito.

Réalisant que le monde qui m’entoure était doucement mais sûrement en train de cheminer vers un état d’anxiété généralisé (et pas de type “constat établi : mettons en œuvre des pistes de solutions”, juste “c’est la merde et y a rien à faire”), j’ai décidé de répéter encore un peu plus souvent cette petite phrase qui fait réagir chacune de mes stagiaires présentes ou passées “ça va bien se passer”.

Est-ce un réflexe de survie ? J’ai vu les ravages sur des êtres humains de cette impuissance subie, et ça ne m’a pas donné envie. C’est réfléchi aussi. J’ai pris quelques minutes pour me remémorer les situations particulièrement critiques de ces dernières années. Des situations dont j’étais convaincue de ne pas pouvoir sortir sans dommages sérieux. Parfois certaine d’y rester, tout simplement.

Le feu de forêt de Carry, quand le front de flammes accule les camions du GIFF que je suis et que son chef me dit “vous montez dans mon camion, on met l’autoprotection”. Au pôle nord, de retour d’une manip’ extérieure prolongée quand deux de mes doigts n’ont plus de sensibilité et qu’à l’hôpital le doc demande son kit chir’ et déclare en anglais qu’il faut les couper. Quand en Guyane, à plus de 12h de pirogue dans la forêt un gendarme décide de foutre le feu à 2000L de carburant sans rien dire au DAF qu’il accompagne, et que nos pirogues militaires sont attachées en contrebas à moins de 2m des bidons. En fait, les souvenirs ne manquent pas.

Et si je peux les écrire ici, c’est qu’à priori : ça s’est bien passé.



PS: lisez cette lettre jusqu’au bout SVP,
je vous pose 3 questions simples à la fin,
et vos réponses m’aideraient beaucoup !

_ Une photo.

Posé d’un hélicoptère de secours à Svalbard 78°N [Ref:3212-01-3474]

Cette photo est une prise de risque. Je documente les opérations de secours par hélicoptère dans la nuit arctique, depuis l’archipel de Svalbard. Comme à chaque fois, quand j’arrive dans des conditions qui me sont inhabituelles, j’observe les habitudes des locaux vis à vis de leur milieu. Et bien sûr je remarque que 100% d’entre eux utilisent des moufles en extérieur. Avec des températures hors effet Windchill de l’ordre de -15/20°C en général ils emploient même moufles + surmoufles.

Mais j’ai beau essayer, je ne parviens pas à déclencher avec des moufles : avec le froid je ne réussis pas à sentir si mon doigt a assez appuyé sur le déclencheur pour prendre la photo ou pas, et comme mon boîtier est en limite de capacité : son écran LSD arrière est éteint. Alors je bricole une solution custom pour ma main droite, à base de sous gant en soie, de gant de ski coupé aux extrémités des 3 doigts que j’emploie et de surmoufle.

Dans l’hélico de secours chauffé, je n’ai pas besoin de tout ça.
Et durant les 2 premières semaines de reportage, ça fait bien le job. Et puis il y a ce vol au dessus du glacier de l’Adventdalen, pile à l’heure du “crépuscule” - qui n’en est pas un, il est midi, le soleil est sous la ligne d’horizon mais assez proche pour offrir au ciel un bleu sombre d’une intensité surréaliste -. Je suis déposée dehors avec le rescue-man et la sortie se prolonge. Je sens bien que ma main droite moins protégée s’engourdit. Mais quand l’hélico se pose sur le glacier dans un déluge de paillettes de glace, le mélange de lumière entre son projecteur et le bleu ambiant fait apparaître des couleurs magiques.

Je ne suis pas venue là pour rien. Il y a une photo grandiose à faire. Je m’organise avec le rescue-man pour être avec lui dans le souffle du rotor, en limite du white-out, après quelques sorties avec l’équipage j’ai une petite idée de la distance à laquelle je dois être. Et l’helico revient. A genoux par terre et tandis que je fais le plus “bloc” possible, je suis bousculée par son souffle, mon masque repeint de particules de glace devient opaque, et je force comme une sourde sur toute ma main comme si j’utilisais un bâton pour appuyer sur un bouton, tentant de multiplier les déclenchements durant les très longues secondes du posé.

Remarquant que je suis encore un peu plus gauche que d’ordinaire tandis que nous repartions, le rescue-man viendra me donner un coup de main pour remonter dans l’appareil. Dans l’habitacle faiblement éclairé, je retire mes gants avec gêne mais sans douleur: le bout de mes doigts est violet. Le rescue-man fait une sale tête. Alors on va à l’hôpital. Le doc fait la même tête : mais il a conscience que j’ai vraiment besoin de cet index et tente un réchauffement contrôlé (qui fait un mal de chien !). Et durant tout ce protocole de la dernière chance, j’ai le temps de me dire que si ça merde, être photographe et amputée ça va pas être facile…

Je ne “découvrirai” donc ma photo que 24 heures plus tard, gavée de drogues et manipulant ma souris avec une mimine toute embobinée… mais disposant encore de ses 5 doigts complets.

_ Quelques mots.

Parce que #CaVaBienSePasser est un mélange de provoc’, de méthode Coué, d’ancrage cognitif assez personnel - je l’admets - je vous propose une citation nettement plus lisible et que j’aime particulièrement relire. Je l’aimais déjà avant de savoir que c’était une femme, noire, américaine, et qui avait quand même réussi à être astronaute, qui l’avait prononcée. C’est vous dire si elle me plaît !

C'est votre place dans ce monde. C'est votre vie.
Faites-en ce que vous voulez.
Faites-en une vie que vous voulez vivre.

Mae Jemison

Ces derniers jours, je suis revenue sur LinkedIn sur cette frénésie d’usages de l’intelligence artificielle pour sortir des trucs pseudo-créatifs #StudioGhibli #StarterPack et j’ai répondu à cette question qui revient souvent: ce qui -selon moi- est la plus difficile épreuve quand on est photographe !📷️

_ Un reportage.

J’ai entendu vos retours me racontant combien c’était frustrant de ne pas pouvoir voir “plus” d’images issues d’un seul reportage, réunies ensemble pour former une narration visuelle, alors j’expérimente : ça ne peut pas se faire dans le corps de mail (les clients de messagerie ne sont pas OK 🙄) alors cliquez sur le lien pour découvrir ce récit d’une dizaine d’images (et -en théorie au moins- il est #SmartphoneFriendly pour ceux qui swipent sur mobile)
https://scg.photo/4524-06/

Découvrez les célébrations de Camerone à Aubagne
Avril 2024

J’aurai bien du mal à vous raconter Camerone : la dernière fois qu’un légionnaire avec qui je m’entendais plutôt bien et un peu provoc’ m’a fait remarquer les particularités absolument incompréhensibles de la langue française, je lui ai répondu “Okay, le français n’est pas facile, mais les traditions Légion sont pas mal aussi dans leur genre”

Imaginez :
“ - à la Légion on célèbre le combat de Camerone (…) ”
- ha bon, c’est une victoire militaire alors ?
- … heu, pas vraiment, … ils se sont fait exterminer
- 😲
“ (…) et puis le porteur de la main remonte la voie sacrée”
- le porteur de quoi ? la main de qui ?
- la main coupée du capitaine Danjou
- 😲😲😲 comment ça la main coupée, mais c’est dégueulasse, et depuis 1863 !!!

Ils furent ici moins de 60,
opposés à toute une armée.
Sa masse les écrasa.
La vie plutôt que le courage abandonna
ces soldats français,
le 30 avril 1863.

Récit de Camerone

Alors le combat de Camerone, c’est un récit que chaque lieutenant doit apprendre par cœur pour être capable de le réciter, le 30 avril, sur la place d’armes du quartier (…c’est un honneur pour celui qui est choisi, pas une punition). Mais la célébration de Camerone dans une emprise Légion, c’est bien plus que ça : elle est précédée de challenges, d’une veillée entre frères d’armes, d’un rituel petit-déjeuner de Camerone où toute la hiérarchie est renversée (c’est le plus jeune et le moins gradé des légionnaires qui prend la place du chef et distribue les corvées, ce sont les cadres qui servent le petit dej’ en chambre aux légionnaires)… et en général la prise d’armes est suivie de réjouissance plus festives partagées en famille !
#EnBref C’est vraiment quelque chose à découvrir

_ Un aperçu.

Derrière les images ces derniers temps, il y avait : une tête post-footing, une petite plante rescapée, le retour des bottes (!) sur une emprise militaire #OMG, de vieux souvenirs de code, un selfie façon Daft Punk #MaisCelaNeNousRegardePas, un cadre de l’expo de Marc Riboud au musée Guimet, + une coupure de presse d’époque “L’ordinateur sait tout” 🤙

_ Une Trois questions

Je me suis un peu ratée la dernière fois, un obstacle technique m’a empêchée de recevoir vos réponses à la question posée. Alors si vous voulez bien me donner une seconde chance et 3 minutes de votre temps :
➡️ Répondez aux 3 questions pour faire de cette lettre un mail que vous aurez hâte de découvrir

✱ That’s all Folks !

J’espère que cette lettre vous aura plu / détendu / intéressé et peut-être même fait découvrir des trucs ! Si vous avez un avis sur son contenu, vous pouvez me faire part de vos critiques, remarques et autres conseils d'amélioration à cette adresse : sandra.chenugodefroy@gmail.com

D’ici sa prochaine édition, vous pouvez me suivre sur LinkedIn ou sur Instagram

Une brève histoire de temps

Une brève histoire de temps

Par Sandra Chenu Godefroy

_ Sandra Chenu Godefroy

Je suis photographe, passionnée, aventurière. 
Je suis spécialisée dans les domaines de la sécurité, l'armée, les secours, l'aéronautique; et je vous invite à me suivre au cœur de l’action, en immersion dans le sillage d'hommes et femmes engagés !

Mon métier de photographe est plutôt simple à définir : je raconte par l'image. Je consacre ma créativité, mon savoir-faire et mon expérience à (re)mettre l'humain au cœur du visuel et à l'immortaliser dans des photos qui font du sens, parfois dans des conditions extrêmes.

J’aime transmettre ces narrations au public, et c’est la raison pour laquelle je me risque à cette aventure de l’écriture et la tenue d’une newsletter ici. J’emploie évidemment aussi les autres canaux plus classiques que sont l’édition de beaux livres et les expositions photo (et, j’essaierai de vous en tenir informés dans cette lettre : se rencontrer en vrai et en 1.0 a du bon à l’heure du tout virtuel !)

Tout photographe qui essaye de représenter des êtres humains d’une manière authentique doit consacrer bien plus de cœur et d’âme dans sa préparation, qu’aucune photographie ne le laissera jamais transparaître.
– Margaret Bourke White

_ Solitaire mais pas isolée, je travaille toujours accompagnée de mon plus fidèle assistant : Tigrou

Lui même choisit assez souvent de faire appel à des assistantes, pour lui éviter des efforts trop intenses et lui permettre de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux : des selfies et des petites remarques amusantes ou amusées sur son univers de travail !

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